Si la première écoute installe le malaise, les suivantes n'arrangent rien.

Le kid grandit, trace son sillon, prend de l'épaisseur, travestit ses déguisements. Plus il s'expose plus il se cache, et, encore jeune et facétieux, nous tapote l'épaule droite pour mieux rire dans notre oreille gauche.
Le titre fait référence au sixième album de Dylan mais c'est au quatrième qu'il fait penser "Another side of Bob Dylan", celui où l'on réutilise les recette passées tout en annonçant les prochaines. L'orchestration comme d'habitude est composée de synthé et de trompette. mais ici, un seul clavier, qui donne son titre à l'album est utilisé. Le kid se concentre sur un instrument pour mieux refroidir l'ambiance, loin des flamboyances et des invités de son fabuleux précédent opus. L'épure est aussi notable au niveau de la construction même des chansons, assez proches les unes ds autres dans ce domaine, réservant ça et là un savoureux solo de trompette.
De la pochette aux textes en passant par le ton, c'est aussi à son premier album, "J'ai eu 20 ans " et à "Cuir et dentelle" que fait penser "UFO 61 revisité".
On retrouve le même personnage désabusé, qui joue au Dandy, sans nous tromper. Le malaise y est plus présent encore que d'habitude et fait toujours douter du degré de la posture même si tout tend à nous rappeler que c'est bien le personnage narrateur du kid qui nous parle et non pas l'auteur du disque qui pourtant nous a le premier adressé la parole sur "J'ai eu 20 ans" il y a quelque temps déjà.

Les thèmes quentiens sont là : le cirque et les enfants "freaks" , les rapports aux femmes complexes et glauques, le traitement de l'actualité décalé, morbide et grotesque, des considérations générales sur le désenchantement du monde.
Les traitements aussi se retrouvent: reggae neurasthénique, instrumental pittoresque, samples de voix parlées, ready made de synthés trafiqués, voix crooner approximative, composition de l'album. Dans le fond comme dans la forme, tout est plus poussé que dans "Cuir et Dentelle" ou "J'ai eu 20 ans" confirmant que ce nouvel album en est plus la continuité qu'une suite du "Charme discret de Lonely Kid Quentin".

Le disque est construit autour du climax au milieu de cet album: "Nous resterons amis" où les extravagances tant thématiques que formelles s'estompent pour laisser place à l'un des chefs d’œuvre épuré et sobre du Lonely Kid. Une chanson qui rassemble les spécificités et parasites agaçants de la chanson française post gainsbourgienne et celle des années 90/2000 toutes tendances confondues mais aussi les points forts et faibles du Kid lui même. Le résultat est un équilibre dérangeant mais familier qui installe un malaise et une irrésistible empathie immédiate, laissant l'impression d'une évidence fulgurante.

Par ses références constantes au passé et une posture badinement réac, le kid nous parle bien évidemment du présent, de son environnement immédiat mais aussi médiatique dont il fait ressortir la noirceur et la vacuité grâce à un humour sans précaution.

Et si l’aspect glauque pour rire mais pas que...rappelle les débuts du groupe Mendelson, l'ambiance finit par évoquer celle du "Voyage d'Hiver" le cycle de Lieder de Schubert. L'avant dernier morceau "Voilà l'hiver "renforce ce lien où le Kid nous dit que
"pour me chauffer je brulerai mon synthé", laissant comprendre que ce personnage arrive au bout, qu'il ne sera jamais plus le même.

Guillaume Maupin